mercredi 22 avril 2020

Respiration


La semaine dernière, j’ai reçu un mail d’un ami philosophe. Voici un extrait : « Tout le monde s’en f… mais c’était le 40e anniversaire de la disparition de Sartre, qui manque terriblement. Un seul vrai article repéré dans la presse celui d’une amie dans le Monde Diplomatique (si ça t’intéresse je te l’extrairai pour te l’envoyer) ».

Je suis resté figé devant son courrier pendant bien dix minutes. Incroyable, en cette période plus que troublée, il y en a un au moins qui pense, et qui pense à Sartre ! Je n’ai pas ma bibliothèque ici, mais j’ai eu immédiatement envie de le relire. Bien sûr il « manque terriblement ». « L’existence précède l’essence », « L’homme est condamné à être libre ! ». Mais c’est terriblement actuel. Je me suis précipité sur le « Monde Diplomatique ». L’article d’Anne Mathieu est bon, mais c’est une femme et elle est amoureuse, amoureuse de Sartre. Donc suspecte. Mais ça fait du bien de voir Sartre ainsi défendu. Attention de ne pas trop en faire, il y a des zones d’ombre dans sa vie (l’occupation, la brouille avec Camus…). Peu importe, c’est un Grand, un grand philosophe, un grand écrivain, un homme d’action, un amoureux de la culture et des arts, ami de Miles Davis et de… Paul Rebeyrolle, oui, « notre » Paul Rebeyrolle, un rebelle comme lui, et ami de Georges Guingoin « Le Cyclope », encore un rebelle. Comme le monde est petit*. Je plonge avec délices sur « Coexistences » qu’il a préfacé chez Maeght éditeur en 1970. Un long texte sur Rebeyrolle et ses engagements : engagement politique, engagement dans la peinture, engagement dans l’amour et la vie. Tout cela ne fait qu’un et cela illustre bien son existentialisme, « Il n’y a de réalité que dans l’action ».

Je ne sais plus ce que j’ai répondu, un truc bête probablement, du genre : je préfère Camus et Foucault, normal pour un médecin. Alors, il m’a sermonné :
« De toute façon c’est Sartre qu’il faut lire !
La Nausée, Le diable et le bon dieu, Les mots, 
L’existentialisme est un humanisme, pour commencer, puis, par exemple le Saint Genet (texte très injustement méconnu à mon avis), ou encore, sans peur, mais avec une petite douceur dans le verre, la 4e partie de L’Etre et le Néant, sur la liberté (si ça t'amuse, j’ai fait une émission sur France Culture à ce sujet).

Si ça m'amuse ! Alors promis, je vais commencer par les deux émissions de France Culture, mais pour cela il faut que je sois éveillé entre minuit et 6 h du matin, forfait satellite oblige ; puis, après le déconfinement, je retournerai chercher mes livres dans ma bibliothèque. Et, comme je suis incorrigible, je relirai aussi les leçons au Collège de France de Michel Foucault, ses leçons sur le Pouvoir. Encore un philosophe engagé, qu’on a décidé d’oublier parce qu’il dérange terriblement ledit Pouvoir.

Mais d’abord, une grande respiration, une grande bouffée d’air de la Montagne limousine en écoutant « I’m free » des Rolling Stones. C’est quand même compliqué, Sartre. 

*Paul Rebeyrolle est né à Eymoutiers, ville qui lui a consacré un Espace Paul Rebeyrolle, avec certaines de ses œuvres (peintures et sculptures) exposées toute l’année. Visite totalement indispensable. 

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